A 29 ans, ce membre actif du club de l’environnement de l’Université islamique de la ville de Tyr dans le sud du Liban, tente de changer les mentalités de citoyens non sensibilisés aux questions relatives à l’environnement.
La singularité du confinement aura permis l’expérimentation de nouvelles pratiques, parmi lesquelles celle de tirer le portrait d’une personne sans même la rencontrer autrement qu’à travers un appel vidéo. A ce jeu là, Mohamad Hachem se prête volontiers. Le sourire en bandoulière, ce Libanais de 29 ans se livre aisément derrière son écran, depuis sa chambre dans l’appartement familial à Tyr, ville côtière du sud du Liban. Prenant son mal en patience, le technicien informatique à l’Université islamique depuis sept ans profite de la réclusion temporaire pour lire son premier livre : « je préfère regarder un film plutôt que lire un livre, si les deux racontent les mêmes histoires », précise-t-il dans un rire franc. Son premier ouvrage : Tout est foutu, « un livre sur l’espoir », de Mark Manson.
L’espoir de prendre part à un changement, surtout au niveau environnemental, c’est justement ce qui guide Mohamad Hachem. Chez lui, l’activisme n’est pas le fruit d’un héritage familial mais celui d’un concours de circonstances. « Je n’oublierai jamais mon premier voyage à Marseille, en 2012, pour participer au Sixième forum mondial de l’eau. C’était aussi la première fois que je voyageais hors du Liban », détaille cet adorateur de sa ville natale, Tyr. « On m’a sélectionné car j’étais francophone mais lors de ce forum, j’ai appris énormément de choses que j’ai ensuite pu utiliser au club de l’environnement de l’Université islamique de Tyr. Ce n’était pas la première fois que j’entendais parler du tri des déchets mais c’est la première fois que j’ai réalisé à quel point c’était important. Cet évènement m’a ouvert les yeux sur beaucoup de choses ».
Le club de l’environnement est né il y a quatre ans d’une volonté partagée par plusieurs étudiants de participer à des actions environnementales, notamment le tri des déchets, « car c’est un gros problème au Liban », estime celui qui a toujours exécré la vision de montagnes de déchets sur la plage de Tyr. Le club a obtenu le soutien de l’Union des Municipalités de Tyr et celui de l’université et a ainsi organisé plusieurs nettoyages de la plage, mais aussi des séminaires sur divers sujets liés à l’environnement tels que la protection de la plage de Tyr en tant que ressource pour la ville ou encore la nécessité d’arrêter l’usage des sacs en plastique et de migrer vers les sachets en papier. « Pas mal de nos séminaires portent aussi sur les énergies renouvelables car nous avons beaucoup de ces ressources au Liban donc pourquoi ne pourrait-on pas en bénéficier au lieu de continuer à utiliser les énergies fossiles? », s’interroge l’ancien étudiant en gestion des systèmes d’information. Le club a également initié la distribution de bennes pour motiver les gens à faire le tri chez eux. Sans budget fixe, le club, qui compte environ 35 membres bénévoles, reçoit cependant des soutiens ponctuels.
Si les mauvaises habitudes persistent, la tendance commence à s’inverser. « A l’époque, la municipalité de Tyr n’accordait malheureusement pas une grande importance au tri mais ces dernières années, il y a une amélioration », estime le cadet d’une fratrie de cinq garçons, « véritable équipe de basket », décrit-il, amusé. Et d’ajouter : « on parle de plus en plus de ce sujet et on espère qu’avec le temps, cela deviendra la norme. Pour le moment, la municipalité se concentre principalement sur le tri à la maison. Chez moi, c’est difficile pour mon père épicier et ma mère femme au foyer de changer leurs habitudes car ils sont âgés et n’avaient jamais entendu parler du tri des ordures, mais j’ai réussi à leur faire séparer le plastique et le verre du reste ».
Pour Mohamad Hachem, le changement émane sans aucun doute de l’individu, « qui engendrera ensuite un effet cumulatif ». Celui qui est également développeur freelance de petits logiciels pour les magasins, bureaux et cliniques, réfléchit aux manières d’atteindre une audience plus large. « Le problème est que les séminaires que nous organisons à l’université sont, la plupart du temps, dirigés vers les étudiants. Or, si on veut avoir un impact, par exemple sur l’arrêt de l’usage du sac plastique, il faut d’abord s’orienter vers les gérants de magasins et d’épiceries car ce sont eux qu’il faut convaincre avant tout ». Tandis que les Libanais demeurent surtout préoccupés par la crise financière dans laquelle sombre le pays, celui qui tente depuis 2013 de terminer son master de recherche pour partir en France faire un doctorat ou bien rester enseigner au Liban, reconnaît que le chemin sera long mais n’en démord pas : « Un voyage de mille kilomètres commence toujours par un premier pas ».
Virginie Le Borgne